Créée le samedi 21 décembre 2024
Il s'agit d'une interprétation théologique et spirituelle discutable basée sur les écrits de Luisa Piccarreta, une "mystique" du début du XXième siècle.
Cette spiritualité et cette théologie sont soutenues de façon une peu téméraire par certains prêtres et théologiens alors que l'Eglise a appelé à la prudence à plusieurs reprises. Si l'on compare les choses avec la Divine Miséricorde, on peut voir que lorsque les choses sont réellement d'origine divine, le Magistère sait tout à fait le reconnaître. Mais dans le cas de la divine volonté, une réserve réelle doit être de mise au vu des positions successives du Magistère.
Les réserves sont :
- Le 13 juillet 1938, ces trois publications sont mises à l'Index par le Saint-Office. (wikipédia)
- Mise en garde rendue publique par un évêque :
- à l'issue d'un « examen détaillé et approfondi », à suspendre sa cause de béatification :
- « une raison théologique : car la conception de la Volonté Divine semble trop mécanique et ne laisse pas suffisamment de place à la liberté humaine, au libre-arbitre de l'homme. »
- « une raison christologique : car la doctrine de la réparation et de spiritualité victimale tient peu compte de l'amour miséricordieux et immérité du Seigneur ; elle relativise son offrande libre et gratuite pour notre salut. »
- « une raison anthropologique : en raison d'un trop grand pessimisme sur la nature humaine et d'une doctrine qui ne semble pas intégrer la Résurrection du Christ, l’espérance, la grâce sanctifiante. Cette doctrine peut donc être source de confusion pour les croyants. Cela ne préjuge pas de la conduite exemplaire et des vertus de la Servante de Dieu. »
- Le Dicastère pour la Cause des Saints a par deux fois, dont la dernière en novembre 2019, refusé d’accorder son nihil obstat à la poursuite de la cause en béatification en raison de problèmes doctrinaux soulevés par les théologiens et consulteurs attachés au dicastère10,1,15,20. En juin 2024, donnant suite aux explications fournies par le postulateur, Paolo Rizzi, le Dicastère pour la Doctrine de la foi aurait accordé son nihil obstat à la poursuite de la cause, sous la condition que la postulation établisse une édition critique et annotée des écrits de Luisa Piccarreta, afin d'éviter « certaines expressions qui conduisent facilement à des interprétations trompeuses et erronées du message chrétien », selon le communiqué du 10 août 2024 de Paolo Rizzi21,7,22.
Actuellement, cette "spiritualité" reçoit un large écho sur le web et les réseaux sociaux et il faut faire attention à de tels engouements sur les questions théologiques, surtout lorsque cela se passe sur un terrain théologique assez peu développé à la base parmi les fidèles.
Certaines affirmations théologiques posent problème notamment :
- la possibilité d'une sorte d'extension à l'infini du pouvoir d'une prière faite dans la "divine volonté". Ce qui est contraire
- l'annulation ou l'effacement des mérites des saints reconnus par l'Eglise, et donc par le Seigneur : "je vais faire disparaître toutes les autres formes de sainteté, quelle que soit leur apparente vertu, et je vais faire réapparaître la sainteté de vivre dans ma Volonté, une sainteté qui ne sera pas humaine mais divine. Cette sainteté sera si élevée que, comme des soleils, elle éclipsera les plus belles étoiles qu’étaient les saints des générations passées." Tome 12, 20 novembre 1917 cité sur Hozanna.org
- une conception eucharistique assez étrange : "Je vis dans l’hostie, mais celle-ci ne me donne rien, aucune affection, aucune palpitation, pas même le plus petit « je t’aime ! » C’est comme si j’y étais mort. J’y reste seul sans l’ombre d’un échange et, de ce fait, mon Amour est presque impatient de sortir, de briser cette glace, de descendre dans les cœurs pour trouver en eux cet échange que l’hostie ne sait pas me donner." Tome 16, 5 novembre 1923 cité sur Hozanna.org
- ou bien : "Plus d'une fois il me dit : « Aujourd'hui je veux que tu sois privée de la Sainte Communion. »" I p.23 ce qui est quasiment l'inverse de Ste Sr Faustine envers qui Jésus était comme impatient qu'Il la reçoive.
- la vie intra-utérine du Christ "crucifiée" : Regarde-Moi bien dans le sein de ma Mère et
tu découvriras combien J'y vis de souffrances.
Regarde bien ma petite tête entourée d'une couronne d'épines (I, p.170)
« Cette couronne d'épines, mon enfant,
n'est autre qu'une couronne cruelle que les créatures tressent pour Moi
- avec les pensées mauvaises qui remplissent leur esprit.
Oh ! comme ces pensées Me transpercent cruellement
- un long couronnement de neuf mois !
=> Cela ne colle pas avec le fait que Marie soit Immaculée Conception, qu'elle soit le lieu qui accueille avec amour l'enfant Jésus, le façonne. Idem : Vois-tu la sombre prison dans laquelle l'Amour m'a conduit ?
voir : https://sosdiscernement.org/e-books/sosd_22_piccarreta.pdf
Soit plus chère au Seigneur que le divin séjour
Je comprends que ton âme, Humble et Douce Vallée
Peut contenir Jésus, l'Océan de l'Amour !..."
Poème "Pourquoi je t'aime, ô Marie !" https://archives.carmeldelisieux.fr/archive/pn-54/
- les de crucifixion par Jésus, Marie et Jean... C'est n'importe quoi. Tome I
- un rapport à la souffrance très très bizarre : "Pour aucune autre raison que de nous plaire et de nous satisfaire
mutuellement, Nous aurons même une compétition pour savoir qui peut
endurer le plus de souffrance. "
- des scènes quasi-érotiques... "Qui pourrait dire ce qui se produisit alors entre Jésus et moi:
- les marques d'amour exquises, les ruses, les doux baisers,
- les caresses que nous nous donnions l'un à l'autre.
Mon Jésus bien-aimé me surpassa dans ce jeu
Car, de mon côté, je défaillais, ne pouvant contenir tout ce qu'Il me donnait"
- une substitution de la voyante au Christ : "Je lui dis: «Seigneur, allons voir ce que font les créatures, elles sont
tes images, ne veux-Tu pas avoir compassion d'elles?»
Jésus répondit: «Non, non, Je ne veux pas aller.
Elles se sont corrompues par leur propre volonté.
Je permettrai que ce qui sert à leur nourriture serve à les infecter.
Toi, si tu veux aller pour les aider, les réconforter, faire quelque chose,
vas-y. Moi, non ! »"
=> Complètement faux spirituellement parlant.
- une place quasi-messiannique de la voyante
- l'annonce d'un message en 3 Fiat, celui du Père, de Marie et maintenant de Luisa. Cela s'apparente à une hérésie déjà condamnée en 1256 : Joachim de Flore https://fr.wikipedia.org/wiki/Joachim_de_Flore
Certains points pratiques posent problème :
- la très grande quantité d'écrits (on parle de plus de 10 000 pages... ce qui quasiment de facto pose un problème de difficulté d'évaluation). C'est quasiment le double ou le triple de la Bible entière. Même les Evangiles sont succints. Cela ne correspond pas à la manière habituelle de faire du Seigneur.
- une sorte de mauvaise foi (sic!) ou de manque d'honnêteté intellectuelle de ceux qui s'appuient sur les écrits de ladite Luisa Piccarreta pouvant dire sur une page web consacrée à la "divine volonté" : Jésus a dit + citation alors qu'il ne s'agit aucunement d'une citation de l'Evangile mais d'une citation des écrits de la mystique. Cela pose un gros problème qui pourra induire en erreur quelqu'un de mal informé. Ce n'est pas bien de présenter les choses ainsi. Il est malhonnête intellectuellement et théologiquement de mettre sur un pied d'égalité ce qui vient de l'Evangile et une "révélation" mystique. C'est peut-être même sacrilège.
- la présentation "sensationnaliste" de ces écrits. On lira par exemple sur le site en vue Hozanna : "Cette révélation d’une ampleur inégalée constitue le troisième Fiat de l’histoire de l’humanité." https://hozana.org/saints/luisa-piccarreta/divine-volonte
En conclusion
On est face à une spiritualité problématique de plusieurs points de vue cruciaux théologiquement parlant et lorsqu'on lit citations ou enseignement, on a le sentiment quasiment d'une "théologie alternative" ou d'une "religion alternative". Bref, on ne "reconnaît pas la voix du Maître" et l'esprit de la Tradition Sacrée.
Les débats deviennent très vite chronophages autour de ce sujet, faisant perdre la paix de l'Esprit Saint dans le ton des échanges et les manières d'être, ce qui n'est pas de très bon augure. En résumé, on pourrait dire qu'on a le choix entre un chemin scabreux (la "divine volonté" et les écrits de Luisa Picaretta) et de nombreux chemins sûrs et sans problèmes que constituent une bonne 20aine de Pères de l'Eglise, une presque 40aine de Docteurs de l'Eglise, de nombreux saints avec de grands mystiques tels que Padre Pio, ou bien encore le Catéchisme de l'Eglise Catholique. Donc à choisir entre marcher au "bord du ravin" de l'hérésie et la sûreté d'un chemin balisé dans les verts patûrages, je pense que les choses sont claires. Si un jour Luisa Picaretta reçoit un jugement favorable, il sera tojours temps de s'y intéresser, mais même dans ce cas, elle ne sera qu'une voie parmi toutes les autres. Seul le Seigneur est La Voie véritable. Et toute la Révélation est déjà contenue en Christ : rien de radicalement nouveau n'est à attendre d'une autre Révélation. Toute affirmation contraire est de facto hérétique.